7/02/2024/ Stéphane Pontais, Isabelle Boulanger, Christophe Heurtaux (debout), Philippe Lecompagnon, Valentine Le Velly et Karine Giard.
Le Comité Régional de Développement Agricole (CRDA) de la Manche fait partie de ces acteurs nécessairement concernés par le changement climatique et le développement agricole. Dans une discussion de couloir, j’avais expliqué le projet RTMS à Catherine Brunel, l’animatrice du CRDA du Bocage. Elle avait à son tour décrit le projet aux agriculteurs élus du Bureau du CRDA. Un partenariat semblait pertinent, il ne restait plus qu’à en comprendre les contours : en quoi est-ce pertinent pour le CRDA ? quelles questions poseraient-ils à des agriculteurs marocains en prise avec le changement climatique ? Quel partenariat de long terme ? Il fallait au moins un déjeuner de travail pour répondre à ces questions.
Je crois que par principe je me devais d’aller à ce déjeuner avec le CRDA à moto. Difficile de parler de ce projet sans en montrer les premiers résultats concrets. En plus de ça, Monika avait fait l’objet de quelques réglages récents, il fallait bien que je teste mon travail. Tous les ingrédients d’un Saint-Romphaire-Avranches étaient ainsi réunis. J’avoue que la pluie, par la fenêtre tôt le matin aurait pu me décourager. Mais ne fallait-il pas que je teste également l’étanchéité des équipements, des câblages électriques et tutti quanti, bien sûr que si ! Quand je suis arrivé le 7 février 2024 avant midi, j’avais presque un sentiment héroïque. Les conditions étaient réellement pourries, à peine étais-je entré dans les bureaux que déjà tout autour de moi des flaques d’eau se formaient.
Pour bien comprendre l’objet de ce déjeuner, il faut que je commence par expliquer ce qu’est le CRDA. Historiquement, l’agriculture a toujours été un secteur économique organisé en collectifs pour diffuser, vulgariser et appliquer les savoirs et les nouvelles pratiques. Les groupes de vulgarisation agricole (gva) et les Comités régionaux de développement agricole ont joué des rôles essentiels dans depuis au moins la fin de la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, je pense que l’agriculture s’est un peu (beaucoup) individualisée au détriment des groupes d’agriculteurs. Penser collectif, tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin… ces adages subissent aujourd’hui des troubles majeurs, le CRDA est là pour redonner au collectif ses lettres de noblesse, son utilité, son potentiel d’innovation… l’avenir !
L’implication du CRDA pour la réflexion et l’innovation autour des thématiques du changement climatique est prégnante. En 2022, le CRDA du bocage lançait un plan « Climat » pour apporter des réponses pratiques au changement climatique*. Même l’agriculture manchoise est chamboulée par les changements climatiques.
La réunion avec le Bureau du CRDA de la Manche a commencé par une longue explication de mes intentions, des spécificités du projet et de mes besoins. J’ai peut-être un peu trop insisté sur les risques du projet. La moto, le désert, le sable, les scorpions… l’aventure !
L’objectif de notre première rencontre était alors de travailler sur trois questions importantes pour le partenariat entre le CRDA, le projet RTMS et le village Tmamna.
Pourquoi le CRDA souhaite-t-il être partenaire de ce projet ?
Historiquement les agriculteurs voyagent. Pour comprendre, pour aider, pour apprendre… j’ai toujours eu en tête ses histoires de tracteurs restaurés à neuf par un collectif d’agriculteurs dans une ferme de Normandie pour aider un autre collectif d’Afrique. Finalement avec RTMS, je n’impulse pas, je remets à peine au goût du jour la coopération entre le CRDA et des contrées lointaines.
« Ils vivent le changement climatique plus intensément et plus tôt que nous ! », « ils vivent dans le désert, le manque d’eau, ils savent le gérer depuis longtemps ! ». Les enjeux sont incroyablement forts au Maroc. Plus de 40% de la population travaille dans l’agriculture. Si jusque-là l’irrigation fonctionnait bien sur les bassins versants, il est possible que ça ne dure pas. Toujours ce fâcheux changement climatique. El Houssine Lasfar, le Président d’AAVT, l’association des amis du village de Tmamna, m’a expliqué que le seul moyen de survivre là-bas, c’est l’agriculture. La pression climatique est forte, plus forte que dans la Manche, c’est certain. Il y a à apprendre.
C’est bien de ça dont il s’agit, l’apprentissage, l’inspiration par un contexte sacrément plus pesant. J’ai bien senti que durant toute la discussion, les élus du Bureau du CRDA, Philippe Lecompagnon, Isabelle Boulanger, Stéphane Pontais et Christophe Heurtaux se projetaient dans les conditions difficiles du métier d’agriculteur au Maroc.
Mais comment font-ils pour avancer dans un tissu très peu dense. Les agriculteurs ont reconnu que dans le cas de la Normandie, il y a un tissu dense, très dense. Des instituts techniques, les Chambres d’agricultures, les organismes de conseil… Quand il y a besoin d’une pièce, d’un produit, du conseil, les interlocuteurs sont là.
Comment avancer dans le partenariat ?
Ce que j’attends d’un partenaire, c’est avant tout des compétences. Une façon de voir les thématiques que je n’ai pas. La question de départ était : « Quelles questions poseriez-vous à des agriculteurs des zones arides du Maroc ? ». Les réponses, sous formes de questions reformulées, ont été assez simples : « quels conseils pourraient-ils nous donner pour nous prévenir, nous aider ? ». Les agriculteurs m’ont expliqué que la pression et la lourdeur administrative, l’agroécologie à marche forcée sont des paramètres importants du contexte dans lequel ils vivent et tentent de changer de pratiques. Mais qu’en est-il des agriculteurs marocains ? Comment les incitent-on à trouver des solutions ?
« Et si nous organisions une rencontre en visio quand tu seras là-bas ? » C’est bien de se poser des questions mais c’est encore mieux d’aller les poser aux agriculteurs concernés. Bingo, trouver des pistes de discussion, préparer le terrain, je trouve que c’est le rôle de RTMS. Voir des agriculteurs de zones géographiques différentes discuter entre eux, se rencontrer, échanger, c’est l’idéal.
Un partenariat de qualité est en vue ! L’assistance de Valentine Le Velly et de Karine Giard, les aides de camp du CRDA sera importante pour l’organisation.
Quelles visées à long terme, au-delà de la rencontre et du Road Trip Moto Solidaire ?
Je sentais bien qu’une visio de discussion entre des agriculteurs ne serait pas suffisante. « Ce serait bien qu’on puisse y aller ! Quitte à bosser avec eux, les aider ! ». « Il y a peut-être des maraichers qui ont des outils qui ne servent plus ? ». Et puis un voyage peut donner envie à des agriculteurs de renouer avec le collectif, c’est ça redonner l’envie, travailler l’attractivité du collectif. D’ailleurs, au Maroc, quel rôle joue le collectif dans l’agriculture ? C’est une vraie question. Pour y répondre il faudrait sûrement développer des relations de long terme. Aussi, Stéphane Pontais se souvient de son voyage au Bénin quand il était au lycée, essentiel, mémorable. Emmener des jeunes, qu’ils apprennent à rencontrer et aider, une autre idée…
A la fin de cette session de travail je suis resté complétement subjugué par la motivation, l’envie, la curiosité des agriculteurs élus du bureau du CRDA de la Manche. Ce déjeuner a donné des perspectives, a creusé le sens du projet pour des agriculteurs. La suite pour très bientôt…
*https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/agriculture-changement-climatique-la-manche-mobilisee-708f4bf8-e272-11ec-a665-c765ae49fc18